Retours d'expérience
Dans le cadre de sa mission de soutien des doctorant·e·s et chercheur·e·s en début de carrière, L'ILVV a accompagné cet événement avec un appel à candidature pour participer à cet événement scientifique. L'ILVV a pris en charge la participation de Aurélie CHOPARD-DIT-JEAN, Doctorante en psychologie Université Bourgogne Franche-Comté, Cécile ROSENFELDER, Ingénieure de recherche Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique. Les candidat·e·s retenu·e·s dans ce cadre nous transmettent un compte rendu pour nous faire partager leur retour d'expérience (lire ci-contre).
Les Journées d’études « Vieillissement et territoires. Expertises croisées » des 14 et 15 novembre 2018, à Metz, ont été l’occasion d’enrichir mes connaissances au niveau scientifique, avec une perspective internationale, de me conforter dans l’approche pluridisciplinaire de mon objet d’étude et d’élargir mon réseau.
Ma thèse en psychologie porte sur la compréhension du désir de mourir des personnes âgées accueillies en établissement d’hébergement, en prenant en compte leurs parcours de vie. Je porte une attention particulière au récit que les personnes font de leur vie, aux événements qui ont contribué à ce qu’elles sont aujourd’hui, à ce qui est important pour elles maintenant, à la manière dont elles vivent leur vieillissement et l’entrée en établissement, et au sens qu’elle donne à leur existence. Pour ce faire, ma méthodologie de recherche permet de recueillir directement la parole des personnes âgées.
Un regard complémentaire sur mon objet d’étude
Durant cet événement, les intervenants, de différentes disciplines (géographie, sociologie, sciences de l’éducation…), ont présenté leurs travaux.
La population âgée a de multiples facettes (plusieurs tranches d’âge, des vécus différents, une manière singulière d’appréhender son territoire, des histoires uniques…), sur des territoires à géographie variable. La diversité des formes du « vieillir » a été mise en avant ainsi que le vieillissement différentiel. Chaque parcours de vie et chaque territoire de vie influencent la manière de vivre son vieillissement. Ainsi, chaque événement de vie (une séparation, un deuil, une perte) est vécu de manière singulière.
Sébastien Lord a d’ailleurs illustré cela de manière tout à fait pertinente : le fait de disposer de sa propre voiture personnelle permet de vivre son territoire de manière différente. La voiture personnelle a une représentation spécifique pour chaque personne, qu’elle vive en milieu urbain ou rural, selon l’utilisation qu’elle en fait, etc. Le jour où la personne ne peut plus utiliser sa voiture, du fait notamment des difficultés liées à son avancée en âge, la perception de son territoire va être bouleversée. Cet élément vient éclairer les propos de certains participants à ma recherche qui parle du fait de ne plus utiliser leur voiture personnelle comme un événement marquant de leur histoire de vie.
D’autres intervenants ont évoqué le moment où la personne âgée doit quitter son domicile. Elle perd son « chez soi », ses objets familiers, mais aussi un quartier, des voisins, un village… Ces éléments viennent également illustrer de manière tout à fait pertinente les propos des participants à la recherche que je mène. La notion de « territoire vécu » prend tout son sens : comment appréhender la parole de toutes les personnes âgées ? Recueillir la parole des premières personnes concernées semble essentiel, que ce soit dans une recherche ou une consultation citoyenne.
Au cours des journées d’études, les débats ont abordé l’entrée en établissement : selon certains intervenants et participants à la journée, cet événement de vie est appréhendé avec crainte par les personnes âgées. Les discussions avec les participants ont permis d’aborder la mise en place de Conseils de la vie sociale en établissement, pour laisser la parole aux usagers. Des petites choses de la quotidienneté peuvent y être écoutées telle que la couleur d’un mur, une proposition d’assaisonnement dans la soupe... Il s’agit d’offrir aux personnes accueillies en établissement la meilleure façon de finir sa vie, et cela tient parfois à l’amélioration de petites choses du quotidien (Pierre-Henri Daure). Il est alors apparu qu’une « culture de l’écoute au fil du temps » (Marc Berthel) doit être adoptée dans les établissements avec les personnes qui y vivent.
Ainsi, ces journées d’études ont montré que dans une recherche (ici en gérontologie), il est important de ne pas se limiter à un seul champ disciplinaire. Adopter un regard pluridisciplinaire ne fait qu’enrichir la réflexion. Les propos des intervenants et les échanges avec le public sont venus éclairer mon objet d’étude.
Une collaboration entre chercheurs, professionnels, acteurs de la société civile et retraités
Tout au long des interventions, des projets concrets ont été présentés, réalisés parfois grâce à une collaboration tout à fait intéressante entre chercheurs, professionnels, acteurs de la société civile et retraités. Co construire une recherche avec les acteurs qui oeuvrent sur le terrain est tout à fait pertinente, de la rédaction du « protocole de recherche » à l’analyse des résultats et leur dissémination.
Une ouverture internationale
De plus, ces journées d’études, grâce à leur ouverture internationale, montre que s’inspirer de ce qui se fait à l’étranger est tout à fait innovant. Des moments de convivialité permettant une mise en réseaux. Au-delà des interventions et des débats avec le public, les moments de convivialité ont constitué de véritables temps forts : ce fut l’occasion d’une mise en réseaux avec des personnes d’horizon et de champs disciplinaires différents, dont des jeunes chercheurs. Des échanges sur le parcours de thèse et l’intérêt d’être membre du groupe REIACTIS Juniors ont eu lieu.
Je remercie l’ILVV de m’avoir donné l’opportunité de participer à un tel événement !
Aurélie CHOPARD-DIT-JEAN
Doctorante en psychologie Université Bourgogne Franche-Comté, MSHE Ledoux USR 3124, Laboratoire de psychologie EA 3188 (France) & Université de Lausanne, Faculté des Sciences Sociales et Politiques, Programme de recherche LINES (Suisse)
Apports et enseignements
Le programme de la journée d’étude (JE), intitulée « vieillissement et territoire, expertise croisée », était très dense et très varié, sans pour autant être trop « lourd ». Les nombreux intervenants présents ont, il me semble, pour chacun d’entre eux, eu la possibilité (et notamment du point de vue du temps de parole) de donner un aperçu clair et complet de leur recherche. Cela a, selon moi, contribué à la qualité des débats et des discussions pendant les temps d’échange formels — lors des sessions — et des temps plus informels — lors des repas et des pauses.
Au-delà de la qualité des interventions, la dimension interdisciplinaire de la journée m’a semblé très pertinente pour aborder la question du « territoire ». L’interdisciplinarité a été pensée comme un levier ou un moyen particulièrement utile pour éclairer cette notion, très utilisée, mais aussi très floue. Les différentes approches mobilisées et leur articulation, sans nier la dimension polysémique du « territoire », mais plutôt en l’assumant, ont permis d’en préciser les contours, les enjeux, les problématiques et les contradictions. À noter que la mise en relief de travaux internationaux (notamment au Québec) et l’intervention d’acteurs de terrain ont participé de cette même démarche.
Ce faisant, les différents thèmes abordés lors de cette JE m’ont permis, d’une part, d’appréhender sous un angle un peu différent, à partir de la notion de « territoire », mes propres recherches, portant sur la transformation de l’offre de services destinée aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap. D’autre part, cette JE a été une occasion de découvrir des enquêtes de terrain (celles réalisées au Val de Fensch), des démarches (propres aux recherches participatives) et des axes d’analyse (la session consacrée aux « invisibles » de la participation) intéressants pour alimenter mes réflexions et mieux saisir certains des enjeux que sous-tend l’adaptation des territoires au (x) vieillissement (s).
Réseaux et liens
Étant membre du REACTIS junior, cette JE a constitué une belle opportunité pour retrouver les membres de l’association, prendre connaissance de l’actualité de leurs recherches et réfléchir avec eux à des perspectives pour la suite. Cet événement a aussi été une occasion de rencontrer de jeunes chercheurs qui travaillent sur les questions de territoire et de vieillissement (ou qui envisagent de le faire) ainsi que des chercheurs plus expérimentés et des acteurs de terrain, dont les thématiques de recherche et les orientations sont proches des miennes.
Cécile ROSENFELDER
Ingénieure de recherche Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique