Recherche et politiques dans le champ des vieillesses et du vieillissement

La vieillesse et le vieillissement de la population occupent une place assez centrale dans le débat public et se trouvent régulièrement inscrits à l’agenda politique : réforme des retraites, vieillissement actif, emploi des seniors, usure au travail, perte d’autonomie et loi « Grand Âge » toujours reportée. Ces thématiques actuelles ne doivent pas occulter le fait que les questions ou « problèmes de la vieillesse » sont dans le champ de l’action publique depuis plus d’un siècle. Ils se sont inscrits dans le processus d’émergence et de construction de l’État social, et des politiques sociales, des pays industrialisés. Un temps long qui permet d’observer la diversité des registres et des terrains que recouvre l’action publique : des politiques natalistes à celles d’assistance aux personnes âgées, en passant par le travail et l’habitat, sans oublier la santé publique. Cette diversité se retrouve dans l’organisation-même de l’État, ces questions relevant de différents ministères : solidarité et autonomie ; travail ; égalité entre les femmes et les hommes ; santé et accès aux soins. Il n’y a donc pas une, mais des politiques de la vieillesse. Comment la recherche en sciences humaines et sociales se saisit-elle de ces politiques publiques et quelle place ou position occupe-t-elle dans leur élaboration et leur mise en œuvre ? C’est à cette double interrogation que s’est dédiée cette édition 2024 de l’École d’automne de l’ILVV. Dans un premier volet, les recherches ont vocation à fournir de la donnée, voire de l’expertise, aux décideurs publics et interviennent dans la fabrique-même des politiques. Que les travaux visent à évaluer des dispositifs, à suggérer des leviers d’actions ou à informer les décideurs, les chercheurs se confrontent aux objectifs et fonctionnements, bien différents, de leurs interlocuteurs de l’action publique. C’est ce que montre Antoine Bozio en conférence introductive : il présente les défis de ce dialogue, sur la base de son expérience et de la mobilisation de son expertise sur le système des retraites en France. C’est aussi ce dont rend compte l’intervention de Marie Beaulieu, qui explique comment le travail académique sur la maltraitance des personnes âgées et ce dialogue complexe avec les décideurs ont permis l’inscription de cette problématique dans le champ de l’action publique au Québec. La table ronde qui conclut cette première séquence, animée par la juriste Marie Mercat-Bruns, croise les regards de la recherche – avec l’économiste Agnès Gramain et le sociologue Daniel Benamouzig – et de la protection sociale, avec Jean-Philippe Vinquant (HCFEA) et Christophe Albert (EN3S). Familiers de ce dialogue, les intervenants témoignent de l’apport de la recherche pour les politiques publiques et, pour qu’il fonctionne, du besoin d’acculturation réciproque aux objectifs, contraintes et expertises de chacun. Dans le second volet, les recherches analysent l’action publique, par l’étude de son évolution dans le temps et dans l’espace ou par le décryptage des registres, normes et procédures ou de leurs effets. Robert Lafore, en retraçant l’histoire des politiques françaises de la vieillesse, montre notamment que leur évolution au fil du temps résulte de leur confrontation aux contraintes territoriales : comprendre les logiques de ce montage, progressif et par ajustements successifs, est primordial pour qui souhaite faire évoluer les dispositifs. Puis Olivier Giraud démontre que comprendre les logiques de ce montage est aussi essentiel pour qui souhaite l’inscrire dans une comparaison internationale. Ces processus de construction rendent aussi difficile l’évaluation des politiques. C’est également ce que montre Patrick Aubert dans le champ des réformes des systèmes de retraite : avec d’une part, la difficulté d’identifier et d’isoler l’effet recherché face à des objectifs pluriels ; et d’autre part la difficulté de statuer sur l’(in)succès de ces réformes face à la structure complexe d’un système composé de multiples singularités, qui engendre une diffraction des retombées des mesures. La dernière séquence d’interventions met « la donnée » au cœur du sujet. Benjamin Leroux, responsable du centre de ressources et de preuves de la CNSA, montre ce qu’elle permet de dire des initiatives, souvent issues du terrain, pour améliorer les réponses aux besoins de la population, tant pour les bénéficiaires des politiques publiques que pour les professionnels lors de leur mise en œuvre. Claire Kersuzan, ingénieure de la plateforme universitaire de données de Bordeaux, présente ce que la donnée produite par la recherche et par la statistique publique permet d’analyser pour éclairer les travaux. Les séances flash, dédiées à la présentation par les participants de leurs travaux de thèse ou post-doctoraux ont contribué à éclairer les singularités des vieillesses et de leurs représentations, ainsi que les ressources des personnes avançant en âge et les besoins et problématiques des métiers et structures qui tentent d’y répondre.