[Se] Protéger face aux incertitudes de l'avenir. Une sociologie des retraité.es modestes

La retraite est généralement conçue comme une institution qui incarne la réussite du modèle social français : les retraités constituent une part marginale des bénéficiaires des services d’aide sociale, la France est le deuxième pays de l’OCDE à avoir le plus faible taux de pauvreté chez les personnes âgées, et en moyenne ce groupe jouit d’un niveau de vie supérieur à l’ensemble des actifs. Pourtant, depuis quelques années on sait qu’un tiers des retraité.e.s touchent des pensions mensuelles inférieures ou égales à 1000 euros, dont 74% de femmes. Quel est l’état des inégalités en matière de pension, et quelle est réellement la situation sociale des retraité.e.s en France ? Alors que la littérature atteste de la réussite exemplaire de la politique des retraites à avoir éradiqué le phénomène d’indigence et de pauvreté structurelle des vieux travailleurs, ce dispositif participe paradoxalement à la production d’un nouveau groupe social dont l’existence interroge les représentations sociologiques des formes contemporaines de la pauvreté.

A partir d’une méthodologie reposant sur quinze ans de recherche, une immersion de sept années dans le champ de l’expertise retraite et la réalisation d’une enquête menée par entretiens semi-directifs auprès de retraité.e.s vivant de petites pensions dans une campagne populaire en Occitanie, la thèse propose une sociologie de celles et de ceux que l’administration nomme les « retraité.e.s modestes ». Située à l’intersection de la sociologie de la socialisation économique, de la sociologie de la retraite et de la sociologie générale, elle propose une analyse compréhensive de la retraite conçue comme un dispositif de régulation des parcours de prévoyance individuels. Cette perspective repose sur un travail inédit de conceptualisation de la notion de prévoyance qui permet de livrer une étude empirique du rôle régulateur du dispositif dans les vies individuelles. En se fondant sur l’exploitation des entretiens menés auprès de 42 retraité.e.s et de 12 acteurs institutionnels du champ de la vieillesse, la thèse montre comment le dispositif produit une régulation différenciée des parcours de prévoyance qui est opère de façon invisible, corporatiste et familialiste à l’échelle collective et individuelle de la vie sociale. Pour en évaluer l’influence à l’échelle des parcours individuels, trois phases sont identifiées : l’expérience de l’affiliation, l’expérience de la cotisation et l’expérience de la liquidation des droits. La comparaison de l’expérience vécue de chacune de ses phases par les enquêtés permet d’identifier trois types de parcours de prévoyance qui montrent comment le dispositif produit activement des inégalités sociales : le parcours de prévoyance socialisé des fonctionnaires et des salariés protégés, le parcours de prévoyance patrimoniale des professions indépendantes et enfin le parcours de prévoyance familialiste qui concerne les femmes et spécifiquement les mères. A partir des résultats de l’enquête, la thèse propose quatre pistes pour une évolution solidariste de la retraite.  

La thèse sera suivie d'un pot auquel vous êtes cordialement invité.e