Figurez-vous... que les échanges via les tablettes numériques entre les résident-es des EHPAD et leurs proches requièrent une aide substantielle des professionnelles

C. Humbert_Figure de décembre 2022

Christophe HUMBERT, sociologue, travaille sur l’innovation dans l’accompagnement, les soins et l’inclusion des personnes âgées. Il interroge notamment le déploiement de solutions numériques dans les territoires et les espaces, et analyse les transformations organisationnelles induites.

Au sein de l’équipe interdisciplinaire « INNOVEHPAD », il a étudié la manière dont les outils numériques (tablettes principalement) ont été mobilisés pour maintenir les liens sociaux des résident·es d’EHPAD en période pandémique. Sur la base de 36 entretiens semi-directifs, d'observations (une centaine d’heures dans 4 EHPAD) et le croisement de ses analyses avec celles des autres membres de l’équipe, il a identifié plusieurs idéaltypes de médiations socio-numériques du lien social.

Dans les situations les plus optimales, l'usage de la tablette relevait littéralement de l’« hygiaphone », permettant aux protagonistes de se voir et de s’entendre, sans risquer de s’infecter. D’autres situations relevaient de l’ « écran de fumée », du fait de l'étrangeté pour les résident·es au monde numérique, perturbant les interactions. Très souvent, les tablettes ont servi de « hublots sans tain », permettant aux proches de s’assurer que leur parent se porte bien sans qu’un échange effectif n’ait lieu. Hormis de très rares exceptions, les professionnelles de l'EHPAD étaient toujours mobilisées.

Elles ont réalisé une double intermédiation, à la fois technique et relationnelle. Elles s’effaçaient lorsque c’était possible au profit d’une intimité intra-familiale mais, usant de tact, elles intervenaient parfois pour reformuler des propos mal compris et veiller à réduire l’étrangeté de la situation par des explications. Elles ont souvent dû « prêter leur corps », comme pour les « visio d’adieu », les proches leur demandant de tenir la main du mourant. Le maintien du lien social à distance pour les résident·es d’EHPAD passe par une médiation qui s'avère complexe, nécessitant une implication substantielle des soignantes qui s'ajoute souvent à leurs activités habituelles.

Chargé de recherche en sociologie (PhD) - PSInstitut /Chercheur associé au laboratoire LInCS / UMR 7069

EN SAVOIR PLUS :

INNOVEHPAD et son approche transdisciplinaire (voir schéma)
Voir le résumé du projet sur les pages de l'ANR
(https://anr.fr/Projet-ANR-20-GES1-0004)

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