Justine ROCHOT, sociologue, s’est intéressée aux sociabilités de retraités en Chine urbaine. Elle a analysé l’intensification récente des rassemblements de personnes âgées en menant des enquêtes ethnographiques auprès de plusieurs groupes de retraités composés de parents d’enfants uniques socialisés sous le Maoïsme.
Ces enquêtes, combinées à la consultation d’archives, lui ont permis d’identifier les interprétations originales de la notion de « vieillissement actif » faites en Chine par les pouvoirs publics comme par de nouvelles générations de retraités, depuis sa promotion par l’OMS en 2002.
La traduction chinoise du vieillissement actif en jiji yanglao/laolinghua renvoie en effet à une connotation proche de l’activisme révolutionnaire (les jiji fenzi désignaient les activistes de la Révolution culturelle). D’un côté, ce choix de traduction évoque les rhétoriques des pouvoirs publics chinois des années 1980, qui s’efforçaient de présenter la retraite aux cadres vétérans du Parti les plus réfractaires à quitter leurs fonctions comme une continuité de l’engagement révolutionnaire.
D’un autre côté, cette traduction trouve aujourd’hui une résonance particulière chez une nouvelle génération de retraités ayant grandi sous le Maoïsme : dans les espaces étudiés, les retraités voient souvent leurs sociabilités comme un engagement social (donner une image positive de la vieillesse chinoise ; limiter le fardeau pesant sur les jeunes actifs ; préserver les comptes de la Sécurité Sociale) qui n’est pas sans leur rappeler leurs ferveurs collectives de jeunesse.
Les normes internationales de l’action publique telles que le vieillissement actif donnent donc lieu à des interprétations différenciées selon leurs contextes de mise en œuvre et les générations qui se les approprient. Les enquêtes initiées récemment par Justine Rochot à Taïwan (où la traduction du vieillissement actif est différente et autrement connotée) lui permettent de prolonger ces réflexions dans une perspective comparatiste, dépassant les visions homogénéisantes de la vieillesse en Asie orientale.
Docteure en sociologie (CECMC, EHESS, 2019) ; postdoctorante de la Chiang Ching-Kuo Foundation for International Scholarly Exchange, rattachée au CECMC (EHESS) et au CEFC (UMIFRE 18)
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Justine Rochot, « “Beijing Dama Have Something to Say”: Group Identification and Online Collective Action among Retirees in Contemporary China », China Perspectives, n°1, 2022, p. 33-45.
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Justine Rochot, « Bandes de vieux. Une sociologie des espaces de sociabilité de jeunes retraités en Chine urbaine contemporaine ». Thèse de doctorat en sociologie. EHESS, 2019.
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Justine Rochot, « Vieillir ensemble. Ethnographie d’une expérience collective de la retraite au sein d’un groupe de vieux ‘jeunes instruits’ chinois », Études chinoises, vol.36, n°1, 2017, pp. 105-138.
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Justine Rochot, « Un parc à soi » : les parcs, territoires de la vieillesse en Chine urbaine contemporaine », Lien social et Politiques, n° 79, 2017, pp. 193-214.