FIGUREZ-VOUS...que la nature du travail influence les pratiques de prévoyance et l’autonomie économique dans la vieillesse

© ILVV Figure de sept 2024 M. Arnaud

Marion ARNAUD, sociologue, interroge les pratiques de prévoyance individuelles développées au cours de la vie active qui déterminent l'autonomie économique dans la vieillesse. Elle analyse particulièrement l'influence de la forme corporatiste du dispositif de retraite sur ces pratiques. À partir d'une enquête qualitative menée auprès de 45 retraité·es d’un village populaire, elle identifie trois parcours-types.

Le parcours de prévoyance socialisé caractérise les anciens fonctionnaires et salariés. Le code du travail assure la socialisation des pratiques de protection et garantit d’"être protégé" dans le cadre de l’emploi. L’expérience de la vieillesse correspond à une autonomie économique assurée lorsque l'emploi était pérenne tout au long de la carrière, mais à une autonomie économique incertaine quand les salariés ont connu des ruptures professionnelles et la précarité.

Le parcours de prévoyance patrimonial concerne les professions indépendantes. Peu couverte par le droit social, cette population doit "se protéger" face aux incertitudes d’un avenir proche ou lointain. Les pratiques de protection correspondent à l’investissement total au travail, au recours à la petite propriété et aux ressources de l’autochtonie. Au final, l’expérience de la vieillesse est souvent celle d’une disqualification sociale correspondant à une autonomie économique contrariée.

Le parcours de prévoyance familialiste protège les mères et les épouses. Le rapport à la protection se construit dans le cadre du ménage et repose sur la reconnaissance du travail domestique. Les parcours se caractérisent par une dépendance économique tout au long de la vie lorsqu'elles n'ont pas eu d'emploi et peuvent correspondre à une autonomie incertaine en cas de carrières articulant obligations familiales et professionnelles.

Le niveau de socialisation des pratiques de protection assuré par le dispositif de retraite détermine ainsi l’inégalité des parcours de prévoyance. L'analyse de ces pratiques et leur évolution constitue un enjeu pour lutter contre la pauvreté dans la vieillesse.

Docteure en sociologie, Membre du Centre Maurice Halbwachs

Référence :

  • Marion ARNAUD (2024), « [Se] Protéger face aux incertitudes de l’avenir. Une sociologie des retraités modestes. », Thèse dirigée par Serge Paugam, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales