Marion ILLE-ROUSSEL, géographe et urbaniste, s'intéresse à la prise en compte du vieillissement de la population par le secteur de l’habitat social, en analysant les stratégies des bailleurs sociaux. Elle a étudié la représentation qu'ils se font des personnes âgées.
Elle a conduit 144 entretiens auprès d’acteurs de l'habitat et du vieillissement en France, en Allemagne et en Angleterre. L'analyse textuelle de ce matériau témoigne d’une valorisation de cette catégorie de locataires, basée sur leurs représentations et perceptions.
Dans les discours, les personnes âgées sont de « bons locataires » facilitant le travail des gestionnaires, tout en limitant les risques. Les locataires âgés seraient bons payeurs grâce à leurs ressources suffisantes, régulières et un engagement moral à honorer le loyer. Ils entretiendraient le logement qu’ils souhaitent propre et rangé. Ils ne seraient pas responsables de troubles de voisinage, mais plutôt les victimes, et participeraient à la stabilité de la résidence, par une présence prolongée dans le quartier. Ils ne dérangeraient pas les bailleurs, acceptant leur situation.
À leurs yeux, les comportements déviants de locataires âgés sont expliqués par « la vieillesse ». Ils considèrent ainsi ce public comme vulnérable et donc à protéger, accompagner et sensibiliser « aux risques » encourus : isolement, abus et perte d’autonomie. Aussi, un devoir moral de soutenir ces locataires est partagé par l’ensemble des acteurs. Il justifie pour les bailleurs sociaux leur présence dans ce parc de logement à loyers modérés/social. Cette double catégorisation de vulnérabilité et de « bons locataires » fait des personnes âgées un groupe homogène pour les bailleurs. Si cette homogénéisation et simplification les conduit à invisibiliser des situations et identités multiples, elle est utilisée pour justifier le développement de nouvelles activités, pratiques et habitats réservés aux personnes âgées.
* Méthode : Classement par l'auteure des caractéristiques des locataires âgées (issues de l'analyse textuelle des discours des acteurs de l’habitat et du vieillissement) en fonction des notions du « bon locataire » et de vulnérabilité encadrant les représentations.
Post-doctorante JSPS en études urbaines, rattachée à l’Université métropolitaine de Tokyo et à l'UMR CNRS 7218 LAVUE Université Paris-Nanterre.
Références :
- Marion Ille-Roussel. 2023 L'offre de logements et de services à destination des seniors dans les stratégies d'adaptation des bailleurs de logements sociaux à la transformation du secteur du logement social : une comparaison France, Allemagne et Angleterre. Thèse en aménagement et urbanisme, Université de Nanterre, soutenue le 9 Septembre 2023, 659pp
- Marion Ille-Roussel. 2024. Le maintien à domicile : entre le care, l’habitat (social) et les soins médicaux. GéoProximitéS, Le care : une notion des proximité(s)?. 2, 1-6 https://geoproximites.fr/ark:/84480/2024/06/01/care-ac11/
- Marion Ille-Roussel. 2020. Les bailleurs sociaux français face au vieillissement dans les années 2000 et le recours aux labellisations. Les Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagère [En ligne], 8. https://journals.openedition.org/craup/4722