Figurez-vous... que la pension de réversion en France protège les retraitées veuves d'une chute de 39% de leur niveau de vie en moyenne

: Évolution du niveau de vie des hommes et femmes faisant face à un veuvage (intervalle de confiance à 95%)

Évolution du niveau de vie des hommes et femmes faisant face à un veuvage (intervalle de confiance à 95%)

Source : Échantillon Démographique Permanent. Fichier fiscaux (2011-2018). Champ: Femmes et hommes ayant fait face au veuvage entre 2011 et 2017. Régression avec effets fixes individuels et effets fixes annuels.
Lecture : le veuvage a un effet significativement positif sur le niveau de vie des hommes veufs. Un an après le décès du conjoint, leur niveau de vie augmente en moyenne de 5323 euros, soit de 22%, comparé à l'année précédent le veuvage.

Léa CIMELLI, économiste, travaille sur les conséquences économiques des histoires conjugales, au moment de la retraite. Elle s'intéresse au dispositif de pension de réversion. Il prévoit, lorsqu'il y a eu mariage, le versement d'une partie de la pension du conjoint décédé (ou ex-conjoint) au survivant, pour soutenir le niveau de vie de ce dernier. Alors que certains coûts du ménage sont peu compressibles (ex. autour du logement), la perte de la pension du conjoint comme ressource pourrait dégrader la situation économique du survivant. Ce dispositif cible surtout des femmes : avec leurs carrières hachées et moins rémunératrices, les revenus du ménage reposent plus largement sur les revenus du conjoint, et elles leur survivent plus souvent.

A partir des données fiscales françaises de l’Échantillon Démographique Permanent (2011-2018) et d'une méthode économétrique d’analyse d’événements (event studies), Léa CIMELLI quantifie l’évolution du niveau de vie des époux confrontés au veuvage (somme des revenus du ménage par unité de consommation) et le rôle de la réversion.

Elle montre qu'un an après le décès (vs un an avant), le niveau de vie avec réversion (courbes pleines) des conjointes augmente de 5% et celui des conjoints de 22% ; ces derniers disposent alors plus largement de leur propre pension plus élevée et de la part de la conjointe. Sans réversion (courbes pointillées), le niveau de vie des hommes augmente (+8%), alors qu'il chute de 39% pour les femmes.

Ces résultats, nouveau en France, montrent l'effet de lissage du niveau de vie, qui protège les femmes d'une forte dégradation des conditions de vie économiques au moment du veuvage. Ils éclairent les débats sur ce dispositif, notamment sur l'éligibilité des seuls couples mariés, alors que la part des unions libres s'accroît et que les revenus masculins contribuent toujours davantage aux ressources des ménages.

 

Doctorante à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, accueillie à l'INED

Références : `

Léa Cimelli, Carole Bonnet et Anne Solaz, « The Gendered Economic Consequences of Grey Divorce in France », working paper (2021)

Léa Cimelli, « Are the widowed too much insured? The role of survivor pension on the economic situation of the widowed in France », working paper (2022)

Léa Cimelli, « Late divorce and delayed retirement, Change in the labor supply upon grey divorce », working paper (2023)

Léa Cimelli, « Les conséquences économiques des ruptures d'union après 50 ans, en France », Paris 1, thèse en préparation

 

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© ILVV Figure de sept 2024 M. Arnaud
Marion ARNAUD
Docteure en sociologie, Membre du Centre Maurice Halbwachs